Vendredi 16 octobre 5 16 /10 /Oct 10:35

Élève de l’École Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (ENSAD), Barbara Ryckewaert a séjourné plusieurs mois en stage dans le donjon de Maîtresse Cindy fin 2007, début 2008. C’est là qu’à diverses reprises, j’ai eu l’occasion de la rencontrer et de participer indirectement, en tant que partenaire de jeu, au projet qu’elle avait choisi de réaliser dans le cadre de son cursus universitaire. 

Je n’en ai découvert les résultats que plus tard mais j’ai tout de suite été séduite par l’approche très personnelle qu’elle avait adoptée. Face au SM, qui n'est pas un sujet facile à traiter, Barbara a su éviter de tomber dans le piège de la facilité. Ses photos apportent au contraire, à mon sens, un éclairage très original. D’abord parce qu’elles concourent à dédramatiser cette activité largement méconnue. Non, il ne se passe pas des choses épouvantables entre les murs épais des donjons. En tout cas, pas dans celui de Maîtresse Cindy. Ensuite, parce que sous l’apparence du jeu, elles suggèrent que quelque chose de beaucoup plus profond est en train de se nouer : une relation particulière entre deux acteurs qui se livrent l’un et l’autre totalement. Enfin, parce qu’elles réussissent à saisir au vol des instants de plénitude, d’émotion et de poésie que d’autres formes artistiques comme l’écriture ne rendraient sans doute pas aussi intensément.
Vous trouverez, ci-dessous, un aperçu du travail réalisé par Barbara sous la forme d’une sélection de photos et d’un clip sonore en lien avec son site. Ma contribution personnelle à cet ensemble se limite à réunir l’image et le son en assortissant l’une et l’autre des commentaires enthousiastes qu’ils m’ont inspirés.

 

L’IMAGE…

 

 
 


UN AUTRE REGARD

 

C’était très exactement le 19 décembre 2007. Maîtresse Cindy m’avait prévenue. 14h.30 précises. Madame l’inspectrice ne supporterait aucun retard. Il fallait absolument que je sois à l’heure. Elle semblait y attacher beaucoup d’importance. Comme si son avenir de directrice du Severity College en dépendait. Pour toute réponse, je l’avais fixée dans le blanc des yeux comme j’adore le faire. En la défiant sans rien dire. Pour une fois que je tenais ma revanche, je n’allais pas la laisser m’échapper. Je suis donc arrivée cinq minutes en retard. Pour le principe. Le visage épanoui. Un léger sourire au bord des lèvres. Il faisait beau. J’avais bien déjeuné. Madame l’inspectrice m’attendait au pied des marches avec tout son barda. A ses côtés, la directrice n’a pas pu se retenir de m’apostropher sur un ton furieux. Une faute impardonnable. Doublée d’une marque d’insolence caractérisée. Encore mes caprices de star. Quand finirais-je par comprendre que le règlement s’appliquait à tout le monde ? A commencer par moi.  

Avais-je, en effet, bien pris conscience de la situation ? Madame l’inspectrice s’était tout spécialement déplacée pour prendre des photos du collège, des élèves, des classes, des dortoirs, du terrain de hockey. Sans doute pour illustrer une plaquette vantant les mérites de l’établissement et les vertus de l’éducation anglaise. Ou pour d’autres motifs que j’ignorais. 

Je n’allais par tarder à le savoir. Maîtresse Cindy m’a empoignée fermement par le bras et conduite à travers le dédale des couloirs jusqu’à son bureau. Afin d’y poursuivre à huis clos un interrogatoire musclé. Et puisque Madame l’inspectrice en personne était là, elle allait profiter de l’aubaine. Elle verrait de ses propres yeux comment on remet une jeune fille effrontée dans le droit chemin. Celui de la rigueur et de la discipline… De quoi compléter son reportage par quelques séquences inédites. Prises sur le vif.  

Et après ? Vous voulez savoir la suite ? Eh bien, je ne vous la raconterai pas. Tant pis pour vous. Car l’essentiel de mon propos n’est pas là. Non, il est ailleurs. Je crois plus utile de vous faire part de mes sentiments lorsque j’ai découvert, quelques jours plus tard, les photos prises ce jour-là. Elles avaient été jointes à mon carnet de correspondance.  

Je me souviens très bien de ma première réaction. La vérité m’oblige à dire que j’ai été déçue en les regardant. Non, ce n’était pas du tout ce que j’attendais. Je n’aurais pas appuyé sur le déclencheur à ce moment-là, dans cette situation-là, sous cet angle-là. Madame l’inspectrice avait tout faux. Du coup, j’ai réalisé que sans m’en rendre compte, je m’étais faite à l’avance une idée relativement précise de ce que j’allais voir. Une vision assez égocentrique et, je dois bien l’avouer, plutôt dépourvue d’originalité. Sans doute trop inspirée de ce qui se fait communément en matière de photos dites de charme. Des plans larges qui ne laissent rien dans l’ombre. Un sujet crucifié par le faisceau des projecteurs. Ou bien au contraire très rapprochés. Presque chirurgicaux. A croire que j’ai des fantasmes masculins. Il va falloir que je me surveille. Dans mon inconscient, nous ne devions pas être très loin des images qui égaient les pages centrales de certaines revues spécialisées. Lionnes échevelées. Bêtes à plaisir. Pin up siliconées. Odalisques languissantes. Couchées sur papier glacé. Oh oui ! Oui !!!!!! Encore !!!!!!!! L’image toute faite et sans imagination de la photo érotique. 

Confusion totale. Erreur sur toute la ligne. Procès d’intention. La honte ! Inspectrice Barbara, je vous demande d’accepter mes excuses, j’ai fait fausse route, manifestement, vous ne jouez pas dans cette catégorie-là. Vous valez beaucoup mieux. Vous avez créé votre propre style. Suivi votre inspiration personnelle. Loin de céder à la facilité immédiate, à l’image stéréotypée, vous savez au contraire poser sur les êtres, sur les situations, sur les choses, un regard qui vous est propre. Un regard inédit. Un autre regard. 

Celui-ci est à ce point original qu’il en est parfois déroutant. Car à travers vous, j’ai découvert ce qui peut apparaître comme une évidence : une même réalité peut donner lieu à une large diversité de perceptions et de sensibilités. On ne voit pas les choses de la même façon selon que l’on est dominatrice, dominée ou spectatrice extérieure. Vous avez rapidement perçu que le SM était tout sauf un sujet anodin. Qu’il ne se laissait pas photographier comme la pyramide du Louvre ou le Mont-Saint-Michel. Et que s’il devait rester un jeu, il s’agissait d’un jeu un peu spécial pour adultes consentants. Juste au bord de la falaise. Avec ses codes. Avec son lot d’émotions, de fantasmes, d’obsessions, d’interdits. Votre mérite est d’avoir su capter cette tension et la restituer. 

Comment ? A mon avis, d’abord en choisissant le bon sujet, le corps. C’est effectivement le sujet central du SM. Le corps sous toutes ses formes - nu, habillé, transformé - et dans toutes les positions - debout, allongé, ligoté, bâillonné, suspendu, étiré, crucifié, à genoux, prosterné, à quatre pattes. Mais pas le corps n’importe comment, le corps pour le corps. Non, le corps pour ce qu’il exprime de pulsions, de douleur, d’excitation et de plaisir. Un corps qui se soumet. Un corps qui résiste. Un corps qui se tend. Un corps qui exulte. Un corps qui se donne. Saisi au travers d’un geste ou d’un détail. Parce qu’un détail apparemment insignifiant peut être, plus que le reste, porteur de sens. Des mains qui se frôlent, se rejoignent, s’affrontent. La pointe acérée d’une bottine. Comme si vous vouliez savoir ce qui se passe à ces moments précis. Raideurs ou abandons, certitudes ou doutes, défis ou renoncements. 

Ensuite, en sélectionnant le cadre. Le plus souvent rapproché. Parce qu’il faut se fixer sur l’essentiel. Ne pas se perdre dans le superflu. Canaliser le regard. Restituer ce que vous avez perçu ou ressenti. Parce qu’il s’est passé effectivement quelque chose. Vous en avez eu l’intuition. Vous souhaitez la faire partager. Quitte à ce que l’image soit insolite. Une photo ne se laisse pas nécessairement comprendre au premier coup d’œil. Sans effort. Au-delà de l’image, il y a bien plus. Il y a la présence de deux êtres. Le SM n’est pas un exercice solitaire. C’est un plaisir partagé par deux acteurs qui se mettent mutuellement en valeur. Un jeu de construction et d’équilibre aussi. Avec ses différents plans. La verticalité des jambes. L’horizontalité d’une estrade dans une salle de classe. Et sa part de mystère. Enfouie au fond d’une cave. Abritée derrière les murs épais d’un donjon. Anonymat des personnages. Un homme ? Une femme ? A qui appartient cette main ? A la dominatrice ou à sa partenaire ? Qu’est-ce que cela change ? Est-ce si important de le savoir ? 

Et puis, il y a la couleur. Ou plus exactement l’absence de couleur. La couleur disperse l’attention. Le noir est originel. Il faut partir du noir pour comprendre la couleur, la lumière et le monde. Un noir Soulages d’où surgirait une clarté lumineuse. Révélatrice de toute une palette de dégradés. De contrastes entre l’obscurité et la lumière. Depuis le noir intense jusqu’au noir gris en passant par le bleu noir. Un jeu subtil de nuances qui donne de la profondeur au sujet et en accentue la mise en scène.  

Le sujet, le cadre, la couleur. Se limiter à l’essentiel pour faire passer un message. Pour suggérer un sens. Sans chercher à tout prix à l’imposer. Parce que les passions s’exacerbent davantage dans le silence des esprits que dans le dérèglement des corps. Des photos construites. Intimistes. Respectueuses. Intelligentes. 

Voilà, Inspectrice Barbara, ce que je souhaitais vous dire. Avec mes mots à moi.  

Maintenant il est temps que je vous quitte. Vous connaissez Maîtresse Cindy. L’heure, c’est l’heure. Elle est intraitable. Si elle apprend que je suis encore en retard, je vais finir par me faire tirer les oreilles. Les oreilles ? Oh oui !!!!!!!!, vous savez quoi, Inspectrice Barbara, je crois que je vais être en retard !

  

ET LE SON…


Pour accéder aux clips sonores réalisés par Barbara, cliquez ici  

     

C’est avec beaucoup d’intérêt et d’amusement que j’ai pris connaissance du clip « Claire Grenadine ». En même temps qu’il me rappelle des souvenirs agréables, il suscite de ma part trois brefs commentaires.  

La première qualité de Barbara, c’est sa discrétion. On ne l’entend pas. On la devine à peine. Elle doit être là, en retrait, quelque part. Le jeu commence, on pense à autre chose et on oublie sa présence. C’est aussi ça, l’art du photographe ou du preneur de son. La meilleure photo, le meilleur son, c’est finalement celle ou celui auquel on ne s’attend pas. Lorsque le doigt appuie sur le déclencheur parce qu’il se passe quelque chose. Un geste qui vous vient, une image qui vous obsède, un mot qui vous échappe...  

Ma deuxième réflexion est liée à l’existence même du donjon. Celui-ci est souvent présenté ou perçu comme une sorte de forteresse inattaquable du dehors. Comme un bastion inaccessible. Mais on oublie que loin d’être un espace qui enferme, il est aussi et peut-être même surtout un lieu qui libère. A l’abri de ses murs infranchissables, on y éprouve paradoxalement un sentiment accru de sécurité et de liberté. Le donjon est alors un espace de jeu où tout devient possible.  

Enfin, dans le SM, il n’y a pas que l’image qui compte. Le son, lui aussi, est primordial. C’est l’originalité de la démarche de Barbara de montrer qu’il peut se passer des choses parfois amusantes et inattendues dans un donjon et que ce dernier est tout sauf un espace immobile où régnerait un silence de cathédrale. On peut y pleurer. Mais on peut y rire aussi. Le SM est un art vivant. Comme l’image, la parole est chargée de sens. C’est elle qui permet de libérer les fantasmes, de susciter le dialogue, d’encourager le jeu…  

Ce soir-là, je défilais sur un podium avec mes bottes de drag queen. Elles étaient rouges. Du même rouge ardent que la combinaison de ma maîtresse… Maîtresse Cindy…

 

 

Par Claire Grenadine - Publié dans : Soumission
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  • : L'expérience d'une étudiante du Severity College, établissement réputé pour sa discipline et pour la rigueur de ses méthodes d'éducation
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  • : 12/07/2009

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