L'éducation anglaise de Claire Grenadine

 Cette nuit, j'ai fait unDoll1 rêve (érotique) étrange et pénétrant (bien sûr). Eh oui,

« Sur l’écran noir de mes nuits blanches,

Moi je me fais du cinéma »

J'étais une poupée gonflable. Pas n'importe laquelle. Modèle de luxe. Latex qualité supérieure. Testé en soufflerie. Avec tout ce qu’il faut là où il faut. Lippue, fessue, poilue. Disponible. Obéissante. Une poupée qui fait oui, oui, oui, toute la journée. 102D-53-81. Les mensurations de Jane Mansfield. « The Bust ». Mon idole. Comme Elie Semoun, j'adore les blondes à forte poitrine. Perruque Crazy Horse. Coupe au carré. Je m'appelais Olga Kalachnikov. Et j'évoluais dans un décor bleu nuit zébré de rayons laser blanc fluorescent. Au son d'une musique envoûtante.

« Ces bas qui tiennent hauts perchés

Comme les cordes d'un violon

Et cette chair que vient troubler

L'archet qui coule ma chanson »

Au passage et à l’intention des adolescents boutonneux qui ne jurent que par Justin Bieber, je recommande chaudement Léo Ferré, c’est extra !

Seule sur scène, j'en rajoutais un max pour les faire tous bander. Surtout ceux du premier rang. Plus vulgaire, tu meurs ! Le vulgaire, de temps en temps, je ne dis pas non, ça change.

Après mon numéro de pole dance, ça n'a pas raté, un monsieur très comme il faut m'a invitée dans sa loge. J’ai fait semblant d’hésiter. Pour mieux lui montrer que par mon consentement, j’acceptais d’aller plus loin. Une coupe de champagne. Une deuxième ? Je me serais montrée impolie en refusant. Il m’a allongée sur son canapé « pour que je sois plus à mon aise ». Je me suis mise en veille. Comme la poupée que je devais rester. Une poupée ne doit pas être trop expressive afin que l’homme puisse fantasmer, lui prêter les sentiments qu’il veut, lui faireDoll2 raconter ses propres histoires. En fait d’histoires, j'ai vite compris où il voulait en venir. Au début, je ne devrais pas le reconnaitre, j'ai trouvé ça plutôt agréable. Et puis la situation a assez vite dérapé. J'avais beau dire "doucement, doucement, je ne suis pas un levier de vitesses", et il avait beau me répondre (sur un ton protecteur) "laisse-toi faire, poupée, tu n'as encore rien vu", c'est comme si je parlais à un sourd. Ça entrait par une oreille et ça sortait par l'autre. Enfin, si j'ose dire. Pour faire court, il m'a tringlée par tous les bouts. C'est toujours la même chose avec les hommes, on a beau les mettre en garde, ils n'en font qu'à leur sexe.

Le rythme s'est subitement accéléré et puis au moment fatidique - tandis que je regardais le plafond en attendant que ça se passe - une gigantesque déflagration s'est produite. Un souffle impressionnant. Puis un silence de cathédrale. Transpercée de part en part, je m’étais évaporée. Volatilisée. Désintégrée. Dans la loge dévastée, les murs étaient recouverts de morceaux de bidoche sanguinolente. On aurait dit une femme kamikaze qui se serait fait sauter en plein milieu du marché de Kaboul. Sauter, enfin si j'ose dire.

J’ai poussé un grand cri. Bigoudi a fait un bond sur le couvre-lit et a disparu de ma chambre en miaulant. Maman s'est précipitée. "Ce n'est rien, ma Clairette, juste un gros cauchemar, il faut te rendormir, tiens voilà ton doudou !"

Le monsieur très comme il faut, hébété, a renfilé son pantalon puis s’est juré d’éteindre sa cigarette. La prochaine fois.

Lun 14 mar 2011 Aucun commentaire