L'éducation anglaise de Claire Grenadine
- Un peu de silence, mesdemoiselles ! Claire, qu’est-ce que je viens de dire ?
- ????????????????????????????????
- Vous pouvez répéter ?
- J’en étais sûre ! Comme d’habitude, Mademoiselle Claire sait tout mieux que les autres et se croit dispensée d’écouter ! Je rappelle donc à tout le monde, y compris et surtout à Claire, que pour marquer cette dernière journée de l’année scolaire, il est prévu une sortie en dehors de l’établissement. A des fins culturelles, bien entendu. Je vous emmène visiter un musée. Alors alignez-vous en rangs deux par deux et en silence, et attendez-moi quelques instants, le temps que je m’occupe de Claire. J’ai deux mots à lui dire.
Je ne sais pas ce que je lui ai fait à Maîtresse Cindy mais j’ai l’impression désagréable d’être sa tête de turc. C’est toujours sur moi que ça retombe. Bon, c’est vrai, c’est un peu normal, vu que je ne fais rien pour me tenir tranquille. En fait, j’ai préféré ne pas lui répondre mais j’avais parfaitement entendu. Un musée ! Non mais vous vous rendez compte ? Il va falloir encore monter des escaliers, se traîner dans ces enfilades de salles à n’en plus finir, rester debout, s’arrêter devant chaque tableau, prendre un air inspiré façon commissaire-priseur, reculer de trois pas et faire semblant de le trouver exceptionnel. L’horreur ! Elle n’aurait pas pu trouver un truc plus rigolo ? Je ne sais pas, moi, un parc d’attractions, une promenade en forêt, un concert de rock ou un bon vieux cinoche. Pourquoi pas un commissariat de police, une prison, un hospice de vieillards ou une centrale nucléaire pendant qu’elle y était ! Et dire qu’à cette heure-ci, je pourrais être au bord de la piscine, en train de me prélasser. Ou de sucer des sucettes à l’anis. J’adore les sucettes à l’anis.
Elle marche devant moi le long des couloirs interminables. Tout compte fait, si je restais au collège, je ne raterais pas grand-chose. En attendant, j’ai comme l’intuition que je vais encore passer un mauvais quart d’heure. Mauvais, c’est pratiquement sûr. Quart d’heure, c’est une façon de parler. En général, avec elle, ça dure beaucoup plus longtemps. Eh oui, c’est bien ce que je craignais, elle me conduit à l’infirmerie. Carrelage blanc immaculé. Lumière crue du projecteur. Propreté clinique. Odeur entêtante d’éther et de désinfectant. Pas vraiment de quoi se sentir à l’aise.
- Déshabillez-vous ! Oui, entièrement !
Je devine son regard ironique et sévère se poser sur moi tandis que je lui obéis sans rien dire. Lentement, sous prétexte de ne pas abîmer mon uniforme. Je le plie soigneusement sur une chaise. En fait, j’essaie de reculer l’échéance le plus longtemps possible. Elle n’est pas dupe de ce petit manège.
- Dépêchez-vous, mettez-vous à quatre pattes, les avant-bras et le front contre le sol. Oui, comme ça, prosternée, c’est très bien. Ne bougez plus !
La voilà qui quitte la pièce d’un pas décidé. J’entends les talons de ses bottines noires claquer sur le sol. Le ciel de mes pensées tourne à l’orage. Toutes plus sombres les unes que les autres. Je l’imagine déjà revenir les bras chargés d’une multitude d’instruments divers, les aligner avec soin sur la table médicale, me les présenter au passage sur un ton guilleret, en vanter les mérites respectifs et faire mine d’hésiter entre le martinet, la cravache ou l’énorme battoir en bois.
J’ai tout faux. Elle réapparaît en tenant à la main un récipient à lavement bleu pâle équipé à la base d’une canule flexible de la même couleur. Elle a vite fait d’en introduire l’extrémité au creux de mes reins et d’en ouvrir le petit robinet. Suspendu en hauteur à une potence métallique, le réservoir distille lentement son contenu. Une vague délicieuse se répand en moi et se propage petit à petit tandis que je suis partagée entre la sensation d’une tiédeur apaisante et celle, moins agréable, d’un gonflement irrésistible. Maîtresse Cindy surveille attentivement les opérations, évalue les quantités que je suis encore en mesure d’absorber et finit par couper l’alimentation en me menaçant de la pire des corrections si je ne me montre pas capable de me retenir.
- Relevez-vous et dépêchez-vous d’aller aux toilettes, pendant ce temps-là, je préparerai vos vêtements.
Quand je reviens dans la salle, Madame la Directrice est en train d’inspecter sa garde-robe. Elle a sorti un carton débordant de pièces de lingerie qu’elle examine une par une dans les moindres détails. Ce porte-jarretelles rose bonbon serait parfait s’il n’était pas trop grand. Et puis il faut aussi trouver le soutien-gorge assorti. Elle fouille, réfléchit, extirpe une paire de collants, change d’avis et décide finalement d’aller opérer un prélèvement dans sa réserve personnelle. Je suis très excitée à l’idée de porter ses vêtements et flattée de présenter les mêmes mensurations qu’elle.
- Vous grandissez, Claire, il faut que vous commenciez à vous habiller en femme.
Déposé sur la table, je découvre ce qu’elle a décidé de me faire porter. Un soutien-gorge noir accompagné du rembourrage qui permettra de lui donner du relief. Ma poitrine est adolescente mais j’espère atteindre rapidement le 95. Un string noir assorti. Un porte-jarretelles blanc avec un petit nœud sur le devant. Une paire de bas noirs. Je m’habille devant le miroir. Commencer par enfiler les bretelles du soutien-gorge. Puis ramener les mains dans le dos, sentir du bout des doigts la présence des deux agrafes métalliques, tirer légèrement sur l’autre extrémité pour présenter en regard les brides bien à plat. Trois rangs. Le premier devrait suffire. Poursuivre avec le porte-jarretelles. Il y en a qui trouvent ça démodé. Mes camarades préfèrent porter des collants. Je ne suis pas d’accord. Le porte-jarretelles est beaucoup plus féminin, sensuel, troublant. Il met en valeur ce qu’il y a de plus intime, tel un joli cadre qui ferait ressortir la composition d’une toile. Penser à le passer avant le string. Eh oui, ce sera plus facile lorsqu’il faudra baisser ce dernier. Enfiler les bas. Bien vérifier la position de la pointe et des talons. Remonter doucement. Rêver un instant au crissement qui va naître du contact régulier des jambes qui se frôlent. Attacher les jarretelles par-devant et par-derrière en vérifiant leur disposition en biais dans une symétrie parfaite. Les régler à la bonne tension. Au milligramme près. Pour éprouver le plaisir de ressentir à chaque mouvement leur présence élastique en haut des cuisses, à la limite de la chair nue, fragile, accessible. Enfiler le string. Remonter les côtés très haut de part et d’autre sur la pointe des hanches afin d’accentuer l’échancrure de la découpe et le relief du pubis.
- Maintenant, Claire, vous allez monter sur la table et vous tenir à quatre pattes, les fesses à l’air.
Surprise. Je dois dire que je ne m’y attendais pas. Ce qu’il y a de bien avec Maîtresse Cindy, c’est qu’on ne sait jamais exactement ce qui va se passer. Elle a enfilé un gant en latex. Son doigt enduit de crème se présente à l’entrée de mon anus, en explore les replis, s’y engage avec précaution, en ressort pour y pénétrer à nouveau, lentement, progressivement, profondément, pour le dilater et l’élargir. Je ne devrais pas le dire mais c’est plutôt agréable. Cet exercice préparatoire d’assouplissement est immédiatement suivi de l’introduction d’un godemiché vibreur de bonne dimension. Légère résistance au moment crucial de l’engagement. La poussée s’intensifie. Une fois la porte franchie, l’engin coulisse facilement et vient se nicher au tréfonds de mes reins. Maîtresse Cindy semble satisfaite.
- Vous pouvez redescendre.
Elle a tout prévu. Jusqu’aux derniers réglages. Au moyen d’une corde blanche pliée en deux, elle m’enserre étroitement à la taille. De la boucle nouée au milieu de mon dos, les deux brins libres s’insinuent dans la raie de mes fesses et remontent par-devant jusqu’à la ceinture afin de maintenir solidement à sa place ce sexe qui m’empale.
- Renfilez vos vêtements civils et pressez-vous, j’entends d’ici vos camarades qui s’impatientent.
Effectivement, mes petites amies sont très excitées à l’idée de franchir les grilles du collège. Ce n’est pas si souvent qu’elles peuvent le faire. J’aurais bien aimé me joindre à elles et marcher en leur compagnie le long du boulevard mais Madame la Directrice préfère me retenir à ses côtés, en arrière. Elle m’observe du coin de l’œil. J’avance à petits pas, victime d’une impression bizarre. Car tout est devenu subitement différent. Ma tenue de femme que je sens par-dessous, avec ces seins qui pigeonnent sous le tissu de mon chemisier. Avec ce gode qui m’impose sa présence encombrante au fur et à mesure de ma progression. Avec le lavement dont j’avais cru me débarrasser et qui semble manifester à retardement ses effets imprévus. Pas de quoi pavoiser ! Pour une fois, Claire se tient tranquille. Je me trompe peut-être mais il me semble que tous les passants nous regardent. Maîtresse Cindy sourit et fait comme si de rien n’était. Plongeant sa main dans ma poche, elle tourne la mollette du petit boîtier rose relié à mon godemiché. Je sens des ondes électriques me traverser le bas du dos et accentuer mon trouble. Elle me demande s’il m’est déjà arrivé de m’habiller complètement en femme. Je réponds que non. Que ma seule fantaisie est de porter de temps en temps un string pour éprouver la sensation d’avoir les fesses à l’air sous mes vêtements.
Nous passons devant le Moulin Rouge. Encore une centaine de mètres et nous serons arrivées. Voilà, nous y sommes. 72, Boulevard de Clichy. La Directrice nous fait signe de nous arrêter. Il s’agit bien d’un musée. Mais d’un musée particulier. Elle avait simplement omis de préciser qu’il s’agissait du musée de l’érotisme. Les oies les plus blanches d’entre nous ouvrent des yeux ronds en découvrant les lieux. Les autres s’échangent des clins d’œil complices. Mes deux copines, Sophie et Irène, ne peuvent pas s’empêcher de pouffer de rire. Finalement, force est de reconnaître que je m’étais trompée. Elle n’a pas eu une si mauvaise idée que ça, la Directrice.
- Mesdemoiselles, vous n’êtes pas ici pour vous amuser mais pour apprendre. Considérez cette visite comme un complément à vos cours d’éducation sexuelle. Celles qui n’ont pas révisé leurs leçons n’auront qu’à regarder. Elles devraient finir par comprendre.
Tintement métallique des jetons au passage des tourniquets. Nous voilà à pied d’œuvre. L’endroit rassemble une collection permanente de plus de 2000 pièces. Expositions temporaires, collections privées, thématiques, artistes contemporains, amour, humour, art, tradition. Un prestigieux ensemble de toutes les fantaisies érotiques présenté sur pas moins de sept étages.
Au premier sous-sol, un jeu d’adresse attire l’attention de plusieurs d’entre nous. Un groupe se forme. Fixée au mur et couvrant toute la longueur du corps d’une odalisque nue allongée en arrière fond, un fil métallique présente les pièges de ses circonvolutions compliquées. Le but du jeu consiste à les contourner sans les toucher au moyen d’un anneau assujetti au bout d’un manche. Au moindre effleurement, le contact électrique déclenche un gémissement de plaisir de la jeune femme. C’est à qui se montrera la plus maladroite. Les murs se mettent à résonner de râles de plaisir. La visite commence bien.
Partout, des objets de provenances diverses derrière des vitrines. Europe, Amérique latine, Russie, Afrique, Asie. Des scènes érotiques péruviennes en terre cuite. Une impressionnante poignée de porte de maison close en bronze en forme de phallus. Un assortiment varié de bouchons d’anus finement ouvragés et parfois surmontés d’un cabochon de cristal taillé. Une enfilade de mini décors en relief présentant des scènes galantes. Femme à sa toilette. Femme enfilant ses bas. Infirmière. Soubrette. Secrétaire. Religieuse. Madame la Directrice me demande de lui décrire ma scène préférée. Nous sommes dans le salon bourgeois d’une dominatrice chez qui un homme en habit a conduit sa compagne. Celle-ci est à ses pieds, à quatre pattes, les fesses cambrées débordant d’un corset qui lui étrangle la taille, offertes aux lanières du fouet qu’agite une professionnelle aux seins nus, vêtue d’un harnais de cuir et de bas noirs. Un essaim de visiteurs enthousiastes se presse autour des vitrines tandis que Maîtresse Cindy me force à écarter les pans de ma veste pour dégager ma poitrine qui bombe sous mon chemisier.
Par petits paquets, l’ascenseur nous élève au 7ème ciel où nous attend l’exposition temporaire des œuvres de Peter Van Straaten. Style très graphique et « clean » à base de hachures à l’encre noire, offrant une large variété de scènes érotiques sur le thème de l’exhibitionnisme et du voyeurisme. Jeunes couples enlacés, observés à distance par des personnages dissimulés derrière des fourrés. Adolescentes étendues sur la plage, affairées à butiner le sexe de leur compagnon de jeu. Novice prise en main par sa supérieure derrière les murs austères d’un couvent. Lycéens assis en rangs d’oignons sur leur banc, toutes braguettes ouvertes, verges tendues, attendant impatiemment la main caressante qui viendra les soulager. Vue intérieure d’un « salon de léchage » où des femmes confortablement installées dans des fauteuils profonds, cuisses largement ouvertes, reçoivent les soins de jeunes employées à genoux à leurs pieds. Je manifeste mon enthousiasme. Madame la Directrice me demande d’inscrire quelques mots sur le livre d’or. Hésitation avant de trouver la formule percutante appelée à faire date. Je m’applique en tirant la langue sur le côté, de ma grosse écriture ronde à l’encre bleue : « Promenade agréable qui a su aiguiser mes sens, en compagnie de Maîtresse Cindy. Claire Grenadine du Severity College ». Ce n’est pas le moment de faire un pâté !
Plus loin, Irène et Sophie, les joues rouges de plaisir, n’en perdent pas une miette, s’interpellent bruyamment à travers les salles, gloussent et jacassent en se poussant du coude. Aurélie, de son côté, l’air affolée, ouvre d’immenses quinquets en semblant découvrir l’inimaginable. L’indicible. La visite se poursuit. Madame la Directrice s’assure régulièrement du fonctionnement de mon godemiché en me tâtant les fesses à travers mes vêtements. Nous descendons progressivement les étages. Les plus intéressants sont ceux consacrés aux maisons closes (le One Two Two, le Styx, le Chabanais) avec leurs petits boudoirs intimes, leurs alcôves des mille et une nuits, leurs lits de maharajas, leurs salles de torture. Et puis les clients, les dames qui les accueillent. Tout y est. Des messieurs respectables et bien habillés. Des femmes à robes longues et à chapeaux emplumés. Avec des photos, des dessins, des reproductions, et même les feuillets jaunis d’un petit carnet quadrillé où sont précieusement notés de façon codée les visites de ces messieurs ainsi que le montant de leurs « petits cadeaux ». Un monde merveilleux, libéré, ouvert, tolérant, décomplexé, où les gens savaient prendre le temps de vivre et de s’amuser.
…. à suivre